L’objection la plus forte qu’on puisse faire qu’on puisse faire contre le mode de vie du vieux garçon est qu’il prend ses repas en solitaire. Manger seul rend facilement dur et grossier. Celui dont c’est l’habitude doit vivre de manière austère pour ne pas tomber dans la déchéance. Les ermites avaient une alimentation frugale, ne serait-ce que pour cette raison. Car ce n’est qu’en communauté qu’on rend justice à la nourriture. Elle demande à être partagée et distribuée si elle doit profiter. Peu importe à qui : jadis un mendiant à table enrichissait chaque repas. Tout ce qui importe, c’est le partage et le don et non pas la conversation entre convives. D’un autre côté, il est étonnant de constater que la sociabilité souffre de l’absence de nourriture. L’hospitalité nivelle et crée des liens. Le comte de Saint-Germain restait à jeun devant des tables abondamment garnies et de la sorte déjà maître de la conversation. Mais là où chacun repart le ventre vide, arrivent les rivalités et leur conflit.
Walter Benjamin
Sens unique
1928
Traduction et adaptation : Hélène Colette Fontaine
Edition : images pensées
METATEXTE
Note de Traduction
Je ne vois pas pourquoi les 2 traducteurs disent « libre service » alors qu’il y a un mot allemand pour ça (Selbstbedienung ).