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FOUCAULT : LE FAUX RADICAL

jeudi 17 février 2022

par Gabriel Rockhill

Le récupérateur radical

Ptolémée a construit un modèle démesurément complexe pour rendre toutes les données empiriques conformes à une hypothèse centrale, organisatrice et fausse, à savoir que la terre était au centre de l’univers. Michel Foucault, comme nous allons le voir, a fait une contribution similaire aux sciences sociales contemporaines.

Après des décennies de travail sur et à partir de l’héritage foucaldien, qui à l’origine m’avait attiré – comme tant d’autres – en raison de son apparente rigueur matérialiste, de son historicisme radical ostensible, et de son côté incisif prétendument politique, il est devenu de plus en plus clair pour moi avec le temps que la totalité du cadre d’organisation de ses recherches est fondamentalement déficient1. Il avait, comme Ptolémée, construit une orfèvrerie complexe, avec de nombreuses parties imbriquées et magnifiquement détaillées qui fonctionnaient dans les termes d’une logique interne impressionnante, mais dont l’objectif propre était de développer un modèle du monde excluant, ou sous estimant de manière significative son trait le plus fondamental : le capitalisme mondial, avec tous des composantes, y compris l’impérialisme, le colonialisme, la lutte des classe, la destruction écologique, la division genrée du travail et de l’esclavage domestique, l’exploitation racialisée et l’oppression, et ainsi de suite.

En rejetant la révolution copernicienne entreprise par Marx, qui démontrait à travers l’analyse matérialiste que le capitalisme est un système totalisant et une force motrice centrale derrière l’organisation du monde moderne, Foucault s’est mis en position de ne pas être capable d’expliquer de manière adéquate, en termes matérialistes, pourquoi précisément les systèmes qu’il cherchait à décrire s’étaient formés, quelle était leur fonction précise à l’intérieur de la totalité sociale, ou comment ils pouvaient être transformés. Attaché à une vision du monde hostile au pouvoir d’explication et de transformation du matérialisme historique, il pouvait seulement, au mieux, ajouter des orbites ou des objets additionnels à son planétaire, dans l’espoir que le culte de la complexification pourrait tout à la fois leurrer et brouiller les intellectuels, offrant par là-même une distraction à leur manque profond de ce que Michael Parenti appelle une analyse radicale.

L’une des raisons pour cela est que, comme bien d’autres de ses compagnons théoriciens français, Foucault était animé par un désir intense de différencier son travail des formes de connaissances antérieures, tout autant que des recherches de ses concurrents sur le soit-disant marché des idées. Ses écrits académiques donnent ainsi une très grande priorité aux explications idiosyncratiques, aux nouveautés conceptuelles et aux néologismes. Plutôt que de poursuivre et de contribuer au développement de traditions collectives de production de la connaissance, la marque Foucault propose des histoires inédites qui sont propres à sa vision individuelle du passé et commercialisables en tant que telles.

Alors qu’il est certainement vrai que celles-ci contiennent divers éléments de l’histoire matérielle, et qu’il a emprunté et adapté plusieurs de ses plus profondes intuitions à la tradition marxiste, elles sont toujours combinées dans des configurations conceptuelles spécifiques qui portent sa marque singulière. Un épistémè, par exemple, est présenté comme une manière bien plus raffinée, c’est-à-dire idéaliste, de discuter l’idéologie. Le pouvoir est une manière plus urbaine – parce que nébuleuse et malléable – de décrire ce qu’Althusser appelle la conception matérialiste de l’idéologie. L’archéologie et la généalogie cherchent à contester le territoire occupé par le matérialisme historique, en partie en réduisant les histoires complexes de Marx en une grossière caricature.2 La pratique discursive de la critique s’érige en autorité morale petite-bourgeoise seulement capable de nous sauver d’un plongeon inconsidéré dans la théorie et la pratique révolutionnaires.

S’il était couramment reconnu que Foucault a été un intellectuel instrumentalisé dont la pratique théorique capitaliste a discrètement fusionné avec les besoins de l’industrie mondiale de la théorie, à un moment où une prime était donnée à la promotion des théoriciens français qui tournaient le dos à la menace rouge, alors la plus grande partie de cet article serait redondant. Toutefois, Foucault est souvent considéré comme un radical ayant prétendument questionné les véritables fondations de la civilisation occidentale et remis en question ses mythes historiques dominants sur le développement de la raison, de la vérité, de la science, de la médecine, de la punition, de l’homosexualité et plus encore. Qui plus est, ceux qui se présentent eux-mêmes comme foucaldiens, tout au moins dans le milieu universitaire, sont souvent perçus comme étant non seulement radicaux mais même souvent bien plus radicaux que la plupart, voire de tous leurs prédécesseurs (ce qui est dû, dans une large mesure, à leurs critiques d’un homme de paille qu’ils appellent « Marx »).

Voici donc la contradiction que je voudrais élucider, qui n’est en rien unique à Foucault. C’est la contradiction du récupérateur radical, c’est-à-dire de l’intellectuel qui semble radical dans certains cercles mais dont la fonction sociale primaire est de récupérer la véritable critique radicale à l’intérieur du système en place, surveillant ainsi les frontières les plus à gauche de la critique. Ce qui m’intéresse d’abord et avant tout, c’est comment le travail de Foucault – comme celui d’autres théoriciens français, mais avec souvent plus de panache politique et de flair historique que Derrida, Deleuze, Lacan et compagnie 3 - a joué un rôle important dans une reconfiguration historique beaucoup plus grande : le grand réalignement idéologique de l’intelligentsia occidentale qui a pris un tournant graduel mais décisif vers la droite tout en s’éloignant des politiques révolutionnaires anticapitalistes. Pour voir comment, dans le cas de Foucault, ce processus s’est déployé, ce qui a bien sûr impliqué des myriades de forces et n’était en rien dû à sa seule volonté, il sera utile de mettre à plat et de contextualiser l’évolution de sa politique lunatique. Cela nous permettra de mettre à jour une tendance claire et d’identifier l’homme derrière ses nombreux masques.


Radicalisme aristocratique

Dans sa jeunesse, alors que la plupart de l’intelligentsia française était marxiste, Foucault a acquis la réputation d’être « violemment anti-communiste » selon son biographe Didier Eribon.4 C’était au tournant de la Deuxième Guerre mondiale, quand l’Union Soviétique avait vaincu le nazisme et que le communisme jouissait d’un très large soutien en France. Son contexte historique immédiat était ainsi celui d’une période où la droite avait été discrédité de manière écrasante en raison de sa collaboration nazie, et où la gauche anti-capitaliste était à son apogée suite aux succès de sa bataille mondiale historique contre la fascisme. Il est vrai que pendant ses années étudiantes, Foucault, qui avait grandi dans un famille de notables de province plutôt conservateurs, s’est brièvement laissé emporté par cette vague rouge de l’après-guerre. Il a même adhéré pour quelques mois, sous l’influence d’Althusser, au Parti communiste français. Toutefois sa participation, selon un autre de ses biographe, David Macey, a été largement reconnue comme évasive et manquant de sérieux. Foucault lui-même a décrit plus tard son positionnement politique de l’époque avec l’expression oxymorique de « marxisme nietzschéen ». Nietzsche était férocement anti-marxiste, bien sûr, et il défendait de manière répétée la supériorité naturelle de la race maîtresse tout en calomniant ceux qui cherchaient à briser les inégalités sociales et économiques.

Bien que certains travaux de jeunesse de Foucault portent la marque de son engagement hésitant et circonspect envers le marxisme, et particulièrement l’influence d’Althusser, il s’éleva très durement contre la tradition marxiste tout au long des années soixante. Avant 1968, selon Bernard Gendron, « il avait la réputation d’être hautainement apolitique, un adversaire féroce du Parti communiste français, un technocrate gaulliste et un négateur du pouvoir de l’action humaine ».5 Dans L’ordre des choses (1966), qui l’a projeté sous les feux de la rampe, il proclamait que le marxisme, loin d’introduire une véritable rupture dans l’histoire ou de proposer un renversement radical, émergeait sans discontinuité de l’intérieur – et était le résultat – de la même configuration bourgeoise épistémologique que l’économie bourgeoise. Leur apparente opposition, d’un point de vue matérialiste, était juste une illusion de surface pour Foucault. Par une inversion idéaliste classique, le matérialisme historique était ainsi intégré dans un système d’idées où on lui donnait le statut de force motrice initiale. De surcroit, Foucault ajouta dans un discours ex-cathedra dépourvu de tout évidence matérielle que le marxisme était comme un poisson dans l’eau au 19e siècle, mais que partout ailleurs « il s’arrêtait de respirer ».6 En raccourci, le marxisme avait été une théorie vivante qui était morte dès qu’elle était parvenue à changer le monde à travers les révolutions anti-capitalistes du 20e siècle. Ce élément, semblait-il, devait interpréter le monde, pas le changer et le saut dans la praxis nécessitait un rappel à l’ordre intellectuel.

Il n’est pas surprenant que la position réactionnaire et idéaliste de Foucault ait provoqué un débat public important avec deux des marxistes intellectuels les plus en vue dans la France de l’époque : Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. L’auteur de L’ordre des choses déclara platement que Sartre, en tant que marxiste, était un homme du 19e siècle dont la tentative – comme un poisson hors de l’eau – de penser le 20e siècle était « magnifique et pathétique ».7 Se laissant aller dans l’une de ses déclarations oraculaires coutumières, il alla jusqu’à l’étiqueter comme « le dernier marxiste ».8 Sartre et Beauvoir ripostèrent, expliquant que Foucault était la dernière barrière que la bourgeoisie pouvait ériger contre le marxisme : incapable de réfuter le récit matérialiste de l’histoire, elle se bornait, après de nombreuses tentatives, – et à travers la figure de Foucault – à l’éliminer simplement en le consignant péremptoirement à la poubelle de l’histoire.

Alors que des intellectuels marxistes comme Sartre et Beauvoir étaient internationalistes et investis dans les luttes anticoloniales, Foucault ignora béatement les mouvements d’indépendances révolutionnaires qui faisaient rage à sa porte, et il prit peu, ou pas d’intérêt à l’histoire mondiale de l’impérialisme (bien qu’il soutint résolument Israel).9 A la place, il maintint, presque sans exception, un cadre d’analyse eurocentrique. « En ignorant le contexte impérial de ses propres théories, » nota à juste titre Edward Said, « Foucault semble en fait représenter un irrésistible mouvement colonisateur qui fortifie paradoxalement le prestige à la fois de l’érudit solitaire et du système qui le contient. »10

Pour prendre ce qui est peut-être l’exemple le plus flagrant, Foucault est « passé à côté » d’un des plus grands événements de sa génération parce qu’il n’a pas soutenu la lutte pour l’indépendance de l’Algérie.11 Bien qu’il aie déclaré dans au moins une interview que c’était parce qu’il était à l’étranger à l’époque (comme si cela pouvait empêcher quelqu’un de soutenir un mouvement), il est en fait rentré en France en 1960 alors que la guerre ne s’est pas terminée avant 1962. Cette tendance à dépeindre de manière rétroactive et opportuniste ses sympathies politiques comme ayant été alignées avec les luttes qu’il n’a pas soutenues ouvertement à l’époque revient plus d’une fois dans ses biographies, et c’est caractéristique de son repositionnement post-1968 comme nous le verrons plus loin. Pendant la répression terroriste du mouvement de libération algérien par l’État français, Foucault a pris, selon les mots de Macey, « un point de vue largement positif de la gestion du général [de Gaulle] de la situation algérienne et du processus de décolonisation qui en a découlé  ».12

Etant donné le rejet général des luttes anti-capitalistes et anti-colonialistes par Foucault, ainsi que sa réputation, selon Eribon et d’autres, d’avoir soutenu de Gaulle et d’être un opérateur d’élite à l’intérieur des réseaux de pouvoir des plus prestigieuses institutions de France, il peut sembler assez surprenant qu’il ait pu plus tard être identifié comme un militant de gauche. En fait, Francine Pariente, l’assistante de Foucault de 1962 à 1966, a dit lors d’un enregistrement qu’elle n’était jamais parvenue à croire à son soudain virage vers la gauche.13 Historiquement parlant, une grande partie de cette perception est liée à 1968 et à la fausse analogie établie dans son sillage entre les penseurs les plus proéminents des années soixante et les événements qui ont secoué leur génération. Alors qu’il est vrai que le travail de Foucault était très visible dans les années précédant 1968, il n’y a bien sûr aucune évidence qu’il a positivement contribué aux événements d’une quelconque manière. Cornelius Castoriadis a proclamé platement que « Foucault ne cachait pas ses positions réactionnaires jusqu’à 1968 ».14 En fait, Foucault avait siégé à la commission gouvernementale qui avait rédigé les réformes gaullistes de l’université qui étaient largement reconnues comme étant l’une des principales étincelles de la révolte étudiante. Il a écrit plusieurs rapports préparatoires pour la commission et n’a pas montré de signe clair d’opposition aux réformes qu’il a aidé à formuler.15 Le fait qu’il ne s’impliqua pas dans le mouvement ou dans les actes de solidarité (étant donné qu’il était principalement à l’étranger), ou même qu’il n’exprime pas son soutien public à l’époque ne devrait donc pas être une surprise : si Foucault était d’un côté des barricades en 1968, c’était du côté fortifié par l’État gaulliste qu’il servait consciencieusement.

Il est vrai, toutefois, que la fin des années soixante a eu un effet de radicalisation sur l’auteur de L’ordre des choses, qui a commencé avec le mouvement étudiant en 1967, et ceci explique partiellement son image public d’homme de gauche. Comme il allait lui-même le prétendre à de nombreuses occasions, ce moment a été son réveil politique, et il a été impressionné par le marxisme vibrant des étudiants tunisiens qu’il soutenait discrètement.16 Quand il est retourné en France au début de la révolte de 1968, il a montré des signes de sympathie générale envers les maoïstes, « sans partager leur croyance dans la révolution culturelle. »17 Alors qu’il se tournait rapidement vers la gauche pour s’adapter au nouveau climat politique, il en vint à participer aux occupations d’universités et aux mobilisations publiques, en partie pour obtenir rapidement l’approbation nécessaire de la rue, selon ses biographes.

Au début des années soixante-dix, Foucault a co-fondé et dirigé le Groupe d’information sur les prisons (GIP) qui avait pour objectif d’exposer les conditions des prisons en rassemblant et en disséminant l’information venue de ceux qui y étaient directement impliqués (plutôt que de parler à leur place). Le GIP fonctionnait, selon les paroles de Gilles Deleuze qui était l’un de ses membres, « comme un groupe qui essayait de combattre le renouveau du marxisme », mais il n’était pas rattaché à une quelconque idéologie ou ligne politique (les membres incluaient des chrétiens, des maoïstes et des individus « non alignés »).18 Bien que le GIP aie exprimé son soutien à George Jackson, alias Field Marshall du Parti des Black Panther (PBB), en publiant en 1971 un important pamphlet sur son assassinat en prison, Foucault avait curieusement vanté le PBB dans sa correspondance privée pour avoir développé « une analyse stratégique libérée de la théorie marxiste de la société » (alors que cependant le PBB était marxiste).19 Joy James et Angela Davis ont toutes deux pris à partie Foucault pour son manque de compréhension du système carcéral américain, de même que son eurocentrisme et son effacement de la violence raciale et genrée, de la torture et de la terreur dans les prisons modernes.20

Foucault conceptualisait son travail de l’époque comme étant celui d’un intellectuel spécifique mobilisant son expertise particulière pour des luttes de pouvoir locales dans le champ du savoir et du discours plutôt que comme étant celui d’un intellectuel universel – comme Sartre et d’autres marxistes – prétendant être capable d’avoir accès à la vérité et à un récit systémique de la réalité. L’orientation la plus tardive, comme il le suggéra régulièrement en se conformant à l’une des analogies idéalistes supposées les plus répandues de l’époque, était un projet intellectuel totalisateur qui soit d’une certaine manière semblable à la pratique du « totalitarisme ». Pour les idéalistes, l’acte même de penser la totalité sociale est en lui-même une pratique de totalisation, et donc « totalitaire », parce que les idées sont les acteurs principaux de l’histoire (et vous pouvez les utiliser pour faire de libres associations entre des mots qui sonnent de manière similaire).

Pour éviter cette soit-disant mauvaise manière de penser, Foucault embrassa ouvertement la spécialisation académique, le taylorisme intellectuel qui est une partie intégrante de la production institutionnalisée de la connaissance sous le capital. Il encouragea également les intellectuels à se focaliser sur la microphysique anonyme et décentralisée du pouvoir dans ses contextes locaux, et par-là même d’abandonner le projet d’élucider et de combattre la macrophysique du pouvoir en vigueur dans la lutte de classes mondiale. De cette manière, et avec remarquablement peu d’exceptions, il donna carte blanche aux principaux projets impériaux de son existence. Il suffit simplement de comparer sa soit-disant «  histoire du présent » à celles écrites par des intellectuels anti-impérialistes comme William Blum, Michael Parenti ou Walter Rodney pour le voir clairement.

La période de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix a néanmoins constitué le point d’orgue de l’engagement de Foucault. Il était impliqué dans de nombreuses actions publiques, signait des pétitions, soutenait en public ou en privé des luttes spécifiques et ainsi de suite. Bien qu’il « ne soit jamais devenu membre d’aucune organisation politique établie », et qu’il ne délimita pas une position politique claire et consistante en terme d’idéologies dominantes à gauche, sa politique désinvolte tendait à graviter vers les cercles intellectuels maoïstes, qui contenaient également des éléments anarchistes, libéraux et libertariens.21 Il ne devint pas, toutefois, marxiste, et la plupart de ses préoccupations – comme la plupart des libéraux – concernaient des problématiques sociales spécifiques, des cas individuels, et «  l’intolérable » moralement plutôt qu’une critique systémique inscrite dans un cadre internationaliste orienté vers une transformation sociale collective.

Foucault, de manière générale, ignora les mouvements écologistes et féministes qui grandirent rapidement dans le sillage de 1968, tout comme le mouvement de libération gay. Alors qu’il avait des sympathies pour ce dernier et le soutenait de plusieurs manières, il se méfiait du jeune et militant Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) qui visait à subvertir l’état bourgeois et hétéro-patriarcal. Foucault craignait que l’activisme du FHAR puisse mener à de nouvelles formes de ghettoïsation et il exprima son soutien à une organisation « homophile » plus ancienne, Arcadie, en acceptant une invitation à leur congrès de 1979. Selon l’un des membres proéminents du FHAR, Guy Hocquenghem, Arcadie était un établissement assez bourgeois, réservé aux seuls membres du club, qui portait une grande attention à une maintenir une discrétion respectueuse. Macey interprète la décision de Foucault de parler à leur congrès comme un mouvement délibéré en faveur de leur approche plus conservatrice et contre la militance du FHAR.

Durant les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, l’orientation politique lunatique de Foucault s’éloigna de plus en plus ce qui avait été un centre de gravité vaguement gauchiste. Son évolution n’était pas différente, par bien des aspects, de celle d’André Glucksmann, qui était un de ses collaborateurs politiques les plus proches et les plus réguliers. Après avoir manoeuvré dans les réseaux d’élite conservatrice académique et s’être liés brièvement aux cercles intellectuels maoïstes de la fin des années soixante, ils commencèrent tous deux à embrasser la critique « anti-totalitaire » du communisme et s’engagèrent dans le soutien pro-occidental des « dissidents politiques » de l’Est. Glucksmann et d’autres nouveaux philosophes s’appuyèrent largement sur le travail de Foucault et le portèrent au nue comme un cadre d’analyse anti-marxiste. Foucault les salua bruyamment en retour, écrivant en particulier un panégyrique sur la tirade anti-communiste de Glucksmann, Les Maîtres penseurs, dans lequel il exprima son soutien à l’idée que Hitler et Staline avaient conjointement introduit une nouvelle forme d’holocauste (omettant discrètement la défaite historiquement mondiale de la machine de guerre nazie par l’Armée Rouge).22

L’anti-communisme virulent de Glucksmann, comme dans une large part celui de Foucault, a fusionné avec un populisme plébéien embryonnaire et une métaphysique des marginalisés. La lutte de classes internationale régressait des consciences et était remplacée par une bataille abstraite entre de prétendument forces du mal totalitaire et l’excellence morale primitive de ce qu’ils appelaient tous les deux « la plèbe ». Cette dernière, Foucault l’admit ouvertement, ne correspondait à aucune « réalité sociologique » mais était plutôt un je ne sais quoi – présent aussi dans la bourgeoisie – qui échappait aux relations de pouvoir.23

Cela ne devrait pas être une surprise que les nouveaux philosophes, tout comme Foucault, ont été identifiés comme des actifs importants par la CIA.24 D’une part ils ont apporté une contribution majeure à la démolition du marxisme en France et ils ont entrepris une guerre massive de propagande contre le socialisme réellement existant. En particulier, ils ont violemment contribué aux spectacles médiatiques organisés autour des soit-disant dissidents de l’Est qui étaient célébrés et promus par l’État de sécurité national des Etats-Unis.25 D’autre part, ils ont dirigé presque toutes leur énergie critique contre les maux supposés de l’Est, et porté très peu d’attention – quand ils ne cherchaient pas à les justifier ouvertement comme des « interventions humanitaires » - aux activités du principal pouvoir impérialiste de l’après-guerre, les Etats-Unis, qui avaient tenté de renverser plus de cinquante gouvernements étrangers. Ces deux orientations étaient, bien sûr, parfaitement alignées sur la guerre mondiale de la CIA contre le communisme qui a été directement responsable de la mort d’au moins 6 millions de personnes au cours de 3 000 opérations majeures et de 10 000 opérations mineures entre 1947 et 1987 (aucune n’a jamais été même simplement mentionnée, à ma connaissance, par le théoricien des relations de pouvoir le plus renommé).26

A la fin des années soixante-dix, le versatile Foucault s’était révélé être un ardent opposant à toutes formes de socialisme réellement existant. Il a indiqué, dans une interview de 1977, une longue liste de pays socialistes qui, selon son opinion, ne fournissaient pas une once d’espoir, pas un signe d’orientation utile, y compris l’URSS, Cuba, la Chine et le Vietnam. Ce qui l’amena à la conclusion grandiose et catégorique que « l’importante tradition du socialisme est fondamentalement appelée à être questionnée, étant donné que tout ce que la tradition socialiste a produit dans l’histoire doit être condamné ».27 L’ironie de cette pontification sur l’histoire mondiale ne doit pas nous échapper : un intellectuel spécifique auto-proclamé, qui a déclaré que les érudits ne devraient intervenir que dans les champs où ils ont une actuelle expertise, n’avait aucun problème à annoncer la mort du socialisme, alors qu’aucun de ses travaux historiques ou philosophiques ne s’était sérieusement penché sur cette histoire ou sur les régions géographiques concernées. Peut-être avait-il simplement oublié de mentionner la géographie coloniale sous-jacente à l’idée d’intellectuel spécifique : alors que «  l’histoire du présent » en Occident est infiniment intriquée et nécessite une connaissance spécifique, les intellectuels européens spécifiques peuvent faire des déclarations sauvages et catégoriques sans aucune véritable connaissance de base en ce qui concerne le reste du monde.
Il est particulièrement parlant à cet égard que la politique radicale erratique de Foucault ait trouvé un nouvel objet d’intérêt dans une autre zone, en dehors de l’Europe, où il n’avait aucune expertise : l’Iran. Il sembla, pour certains, se rallier une fois de plus à la cause de politiques révolutionnaires quand il manifesta son fort soutien à la Révolution Iranienne de 1978-1979. Toutefois la raison de son soutien n’était pas que celle-ci ait commencé comme une lutte anti-impérialiste contre un gouvernement fantoche de la CIA. En fait, il ne mentionne même pas ce fait dans ses écrits volumineux sur le sujet. A la place, il était intrigué comme à une révolution qui, par ce à quoi il se réfère, s’était écartée des deux principes centraux de la tradition marxiste (bien qu’il ne fournisse aucune analyse matérialiste des forces marxistes sur le terrain en Iran) : la lutte des classes et l’avant-garde révolutionnaire. S’appuyant sur François Furet, l’historien farouchement anti-marxiste dont il faisait régulièrement l’éloge, et s’engageant dans une forme peu subtile d’Orientalisme, Foucault affirma que cette nation « arriérée » était en train de donner naissance à une politique spirituelle qui avait fait partie du passé de l’Europe, mais dans un accouchement exempt des souffrance de la modernisation. Il fut bruyamment critiqué pour son point de vue et son manque général de connaissance sur la situation et il arrêta discrètement de publier des exposés journalistiques sur la politique contemporaine.

Arrivé à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, le bref engouement de Foucault pour la politique gauchiste s’était transformé en dégoût absolu et en rejet. En 1975 déjà, il avait répondu à un manifestant qui lui demandait s’il voulait bien venir parler de Marx dans leur groupe : « Ne me parlez plus de Marx. Je ne veux plus jamais entendre parler de ce monsieur… J’en ai complètement fini avec Marx. »28 Comme Glucksmann, qui était de plus en plus réactionnaire, il en vint à être toujours plus fasciné par le néolibéralisme qu’il décrit d’une manière révélatrice dans ses lectures de 1978-79 comme étant basé sur l’idée clairement valable – dans son esprit – d’une société dans laquelle il y a une optimisation des systèmes de différences, où le champs est laissé libre pour les processus fluctuants, et dans laquelle les pratiques et les individus minoritaires sont tolérés. »29

Contrairement à toutes les rigoureuses recherches marxistes sur le néolibéralisme, Foucault dirige en premier lieu son attention sur les éléments idéologiques, qu’il valorise comme étant prétendument une nouvelle manière de penser politique, et pas sur son caractère impérialiste et colonial comme projet mondial de sur-exploitation et de répression intensifiée.

Pendant la même période, il prit explicitement de la distance avec le mouvement étudiant et ouvrier, affirmant qu’il était un rebelle non actif investi dans le « silence » et l’« abstention totale ».30 Comme tant d’autres intellectuels de sa génération séduits par le tournant éthique, Foucault s’éloigna des luttes politiques concrètes et se rapprocha d’une forme nébuleuse d’anarchisme individualiste ou même de simple libertarianisme centré sur le « souci de soi ». Il interrogea l’organisation de mouvements de libération, comme le féminisme et la libération gay, qui étaient subordonnés à des « objectifs idéaux et spécifiques ».31 Décrivant ces mouvements comme formant des clubs privés et exclusifs, il esquissa la conclusion suivante : « La véritable libération signifie se connaître soi-même et peut souvent ne pas être réalisée par l’intermédiaire d’un groupe, quel qu’il soit ».32 Si les Lumières individuelles sont l’apothéose de la libération et si l’action collective est écartée, alors l’intellectuel de salon a réussi à orchestrer un coup discursif décisif en définissant l’activité petit-bourgeoise isolée comme la libération elle-même. Vive la contre-révolution !

Comme si ce n’était pas assez, Foucault allait poursuivre en rejoignant le chœur des intellectuels anti-marxistes comme Furet et Hannah Arendt et se laisser aller au chantage réducteur et simpliste du goulag, affirmant que toute tentative de transformer le système des relations socio-économiques à travers une action politique collective mènerait inévitablement aux plus horribles conséquences.33 Dans un de ses essais de 1984 les plus couramment lu, il écrit :
L’ontologie historique de nous-mêmes doit s’éloigner de tous les projets qui tendent à la globalité et à la radicalité. En fait, nous savons par expérience que l’exigence de s’échapper du système de la réalité contemporaine de manière à fournir des programmes généraux pour une autre société, une autre manière de penser, une autre culture, une autre vision du monde, nous a actuellement seulement mené à reproduire les plus dangereuses traditions.34

En abandonnant la lutte pour des changements sociaux réels et matériels , Foucault a développé à la place une pratique de la critique discursive et individuelle. Il l’a décrite dans une tradition eurocentrique qu’il fait remonter à la défense du despotisme des Lumières (Kant) et qui incluait un aristocrate ennemi des masses (Nietzsche) et un nazi impénitent (Heidegger) mais qui excluait Marx. Dans le cas du géniteur de cette tradition, l’attitude critique des Lumières, telle que Foucault la comprend, consistait à « oser savoir » à travers la raison et le discours tout en obéissant toujours aux dictats de l’ordre social tels qu’imposés par le monarque et son armée. Nietzsche, qui servit de tant de manières comme le parangon de la forme de critique préférée de Foucault, n’était pas seulement anti-marxiste, il était aussi contre le socialisme, contre la démocratie et contre tout projet politique cherchant à donner le pouvoir aux masses. Comme Domenico Losurdo l’a expliqué en détail, Nietzsche était un « aristocrate radical » auto-proclamé dont l’identification de la raison avec la domination – à bien des égard comme celle de Foucault - a servi de rempart contre une critique rationnelle et scientifique des hiérarchies de classes, de races, de genres et de sexes.35

L’homme derrière les nombreux masques

Foucault s’est adonné à travers sa carrière au jeu intellectuel petit-bourgeois d’auto-fictionnalisation, embrassant capricieusement et rejetant différentes étiquettes et positions,comme si elles étaient des masques pouvant être portés ou retirés, mais sans aucun visage identifiable derrière elles. Le subjectif, au moins dans son cas, ou plutôt dans son esprit, l’emportait sur l’objectif. Nombre de ses commentateurs ont célébré cette idée oxymorique d’un sujet sui generis, agissant comme si leur maestro – à l’opposé des objets de l’analyse – ne pourrait jamais être étiqueté parce qu’il surpassait toujours les intellectuels réducteurs qui pensaient que ses tergiversations fantasques suivaient des schémas identifiables pouvant être situés historiquement.

Il y a des raisons de croire, cependant, comme deux de ses principaux biographes le soulignent à maintes occasions, que la personne derrière les masques était celle d’un opportuniste politique et d’un petit-bourgeois carriériste. En réaction à la vague communiste d’après-guerre, il a brièvement essayé un masque marxiste, non sans avoir dessiné malicieusement dessus la moustache mal placée de Nietzsche. Dans les jeunes années de la réactionnaire Cinquième République, il a été attiré par le Gaullisme et est devenu ouvertement anticommuniste alors que sa carrière prospérait et qu’il a collaboré avec le gouvernement. Toutefois, à l’émergence des soulèvements de la fin des années soixante, il a rapidement réalisé que la scène avait changé et il a à bon escient effectué un rapide changement de costume. Au milieu des années soixante-dix, quand l’anti-communisme est revenu comme une vengeance sous la forme la plus visible des nouveaux philosophes, qui devinrent une incroyable phénomène médiatique, Foucault le métamorphe vit une nouvelle opportunité pour se réinventer alors que sa carrière décollait dans les milieux académiques, ce qui sans surprise l’éleva sur un immense piédestal. Ceci ne suggère pas, bien sûr, qu’il n’avait pas certaines de ses propres raisons subjectives de changer d’opinions sur certains sujets.

Cependant, il y a un modèle clair derrière l’apparent jeu expérimental. Comme d’autres théoriciens français, mais avec son propre cachet, Foucault était un radical récupérateur dont la renommée dans l’industrie mondiale de la théorie est proportionnelle à son habilité de caméléon à apparaître radical tout en récupérant la théorie critique à l’intérieur du camp pro-capitaliste.

Au final, si l’on a des doutes concernant la fonction sociale du travail de Foucault dans sa conjoncture historique, il suffit simplement regarder les conséquences politiques matérielles. Alors que la tradition marxiste a contribué à d’innombrables luttes de libérations et de révolutions, l’héritage foucaldien n’en a pas produit une seule. Toutefois il a engendré une petite industrie d’universitaires anti-communistes désireux de conserver les subtilités de l’orfèvrerie de leur maître tout en cultivant une image de radicalité destinée à en finir, une fois pour toute, avec la pratique et la théorie révolutionnaires.

Gabriel Rockhill, Traduction V. Rennert

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Gabriel Rockhill est le directeur fondateurde l’Atelier de Théorie Critique, professeur de philosophie à l’Université Villanova.

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LA CIA ET L’ANTI-COMMUNISME DE L’ECOLE DE FRANCFORT
LA CIA ET LES INTELLECTUELS FRANÇAIS

1. J’ai démontré ailleurs en détail quelques uns des problèmes fondamentaux du travail de Foucault, particulièrement dans ses histoires prétendument matérialistes, et j’ai fait de même pour d’autres écrit de la tradition foucaldienne, comme ceux de Jacques Rancière. En ce qui concerne Foucault, voir par exemple Gabriel Rockhill, “Foucault, Genealogy, Counter-History,” Theory & Event 23:1 (January 2020) : 85-119 ; Gabriel Rockhill, “Comment penser le temps présent ? De l’ontologie de l’actualité à l’ontologie sans l’être,” Rue Descartes 75 (2012/3) : 114-126 ; Gabriel Rockhill, Interventions in Contemporary Thought : History, Politics, Aesthetics (Edinburgh : Edinburgh University Press, 2017) ; Gabriel Rockhill, Logique de l’histoire : Pour une analytique des pratiques philosophiques (Paris : Éditions Hermann, 2010). Pour mes critiques de Rancière, voir Interventions in Contemporary Thought and Radical History & the Politics of Art (New York : Columbia University Press, 2014). Pour des critiques récentes de Judith Butler, dont le travail et le positionnement politique émergent de l’héritage de Foucault – de même que de celui de Derrida et Lévinas – voir Jared Ijams, “Judith Butler’s Impotent Politics of Nonviolence,” Cosmonaut (May 26, 2020) : <https://bit.ly/3h58TVz> et Ben Norton “Postmodern Philosopher Judith Butler Repeatedly Donated to ‘Top Cop’ Kamela Harris” (December 18, 2019) : <https://bit.ly/2ClYHsq> .
2. Nicos Poulantzas has provided one of the best critical accounts of Foucault’s reductive caricatures of the Marxist tradition in State, Power, Socialism, trans. Patrick Camiller (London : Verso, 2014).
3. Given Foucault’s apparent dedication to materialist history and political activism, particularly when compared to other French theorists, it is arguable that he is more dangerous because he is, in many ways, the most radical of the recuperators.
4. Didier Eribon, Michel Foucault (Paris : Flammarion, 1989), 237. All translations, unless otherwise indicated, are my own.
5. Bernard Gendron, “Foucault’s 1968,” in The Long 1968 : Revisions and New Perspectives, eds. Daniel J. Sherman, Ruud van Dijk, Jasmine Alinder, A. Aneesh (Bloomington : Indiana University Press, 2013), 23.
6. Michel Foucault, Les Mots et les choses (Paris : Éditions Gallimard, 1966), 276.
7. Michel Foucault, Dits et écrits I : 1954-1969 (Paris : Éditions Gallimard, 1994), 542.
8. Ibid. 542.
9. According to David Macey, Foucault’s “pro-Israeli sentiments were as unswerving as his dislike for the PCF” (David Macey, The Lives of Michel Foucault : A Biography. London : Verso, 2019, 40).
10. Edward Said, Culture and Imperialism (New York : Vintage Books, 1993), 278.
11. See Michel Foucault, Dits et écrits IV : 1980-1988 (Paris : Éditions Gallimard, 1994), 58-59.
12. Macey, The Lives of Michel Foucault, 84.
13. See Eribon, Michel Foucault, 132.
14. Cornelius Castoriadis, La Montée de l’insignifiance (Paris : Éditions du Seuil, 1996), 35.
15. In addition to his biography of Foucault, see the interview with Didier Eribon on the television show “Apostrophes” : <https://www.youtube.com/watch?v=kLA...> .
16. See, for instance, Foucault, Dits et écrits IV, 78-81.
17. Macey, The Lives of Michel Foucault, 263.
18. Richard Wolin, The Wind from the East : French Intellectuals, the Cultural Revolution, and the Legacy of the 1960s (Princeton : Princeton University Press, 2010), 289.
19. Michel Foucault, Dits et écrits I : 1954-1975 (Paris : Éditions Gallimard, 2001), 44. Since this claim is from October 1968, it is possible that Foucault was exposed to some of the BPP’s early work that was less explicitly Marxist. However, when he visited Attica in 1972, in the wake of the prison rebellion and subsequent violent repression, he oddly chastised communists for being so beholden to the bourgeois ideology of criminality that they refused to organize the incarcerated unless they were ‘political prisoners’ (“Michel Foucault on Attica : An Interview,” Telos 19 (1974) : 154-161). Jackson, whose assassination was seen as a spark for the Attica revolt, was a communist who had been doing the exact opposite of what Foucault claimed. These types of misrepresentations are, unfortunately, rather frequent in Foucault’s work. I have carefully documented his egregious misinterpretations of Descartes, Kant and Nietzsche in the works cited in note 1. Brady Thomas Heiner has provided an analysis of Foucault’s relationship to the BPP that, while misrecognizing or downplaying the profound gap between the French intellectual and Marxist-Leninist revolutionaries, does provide some helpful information : “Foucault and the Black Panthers,” City 11:3 (December 2007) : 313-356.
20. See Joy James, ed., The Angela Y. Davis Reader (Malden, MA : Blackwell Publishing Ltd, 1998) and Joy James, Resisting State Violence : Radicalism, Gender and Race in U.S. Culture (Minneapolis : Minnesota University Press, 1996).
21. Macey, The Lives of Michel Foucault, 217.
22. On Foucault’s relationship to the nouveaux philosophes, see Michael Scott Christofferson, French Intellectuals against the Left : The Antitotalitarian Moment of the 1970s (New York : Berghahn Books, 2004) ; Peter Dews, “The ‘New Philosophers’ and the End of Leftism,” in Radical Philosophy Reader, eds. Roy Edgley and Richard Osborne (London : Verso Books, 1985), 361-384 ; Peter Dews, “The Nouvelle Philosophie and Foucault,” Economy and Society 8:2 (May 1979) : 127-171.
23. Foucault, Dits et écrits IV, 421.
24. See Gabriel Rockhill, “The CIA Reads French Theory : On the Intellectual Labor of Dismantling the Cultural Left,” Los Angeles Review of Books (February 28, 2017) : <http://thephilosophicalsalon.com/th...> .
25. Aleksandr Solzhenitsyn, whose rightwing critique of the U.S.S.R. served as the gold standard for Glucksmann and Foucault, was welcomed in the West by Hienrich Böll and the CIA networks he was involved with in Germany (see Hans-Rüdiger Minow’s 2006 documentary for ARTE, Quand la CIA infiltrait la culture : <https://www.youtube.com/watch?v=58Q...> ).
26. These numbers were calculated by the Association for Responsible Dissent, a group composed of 14 former CIA officers. John Stockwell, one of its founding members, discusses their findings here : <https://www.youtube.com/watch?v=RD8...> . Also see his book The Praetorian Guard : The U.S. Role in the New World Order (Boston : South End Press, 1991).
27. Foucault, Dits et écrits III, 398 (my emphasis).
28. Macey, The Lives of Michel Foucault, 348-9.
29. Michel Foucault, The Birth of Biopolitics : Lectures at the Collège de France, 1978-79, ed. Michel Senellart, trans. Graham Burchell (New York : Palgrave Macmillan, 2008), 259-260. The best book on Foucault’s relationship to neoliberalism is Daniel Zamora and Michael C. Behrent, eds., Foucault and Neoliberalism (Cambridge : Polity Press, 2016). Also see Daniel Zamora, “How Michel Foucault Got Neoliberalism So Wrong,” Jacobin (September 6, 2019) : < https://bit.ly/3kEqSUN >.
30. Foucault, Dits et écrits III, 670.
31. Ibid. 677.
32. Ibid. 678.
33. It bears recalling that, according to a 2016 report by the Bureau of Justice Statistics, 6.6 million people are under correctional supervision in the United States (https://www.bjs.gov/content/pub/pre...). At the end of the Great Purges, the total incarcerated population in the gulag climbed to 2 million, but more than half of all inmates were freed when Stalin died in 1953. Soviet prisons, moreover, were not death camps, and most inmates returned to society, at a rate of 20 to 40 percent of the prison population each year according to archive records. Michael Parenti has provided one of the most rigorous historical accounts of the gulag, which is a welcome antidote to the insipid scare tactics commonly used to circumvent sober analysis, in Blackshirts & Reds : Rational Fascism & the Overthrow of Communism (San Francisco : City Lights Bookstore, 1997), 76-86.
34. Foucault, Dits et écrits IV, 575.
35. See Domenico Losurdo, Nietzsche, the Aristocratic Rebel, trans. Gregor Benton (Leiden : Brill, 2019).