En 2017, Le Metropolitan Museum of Art de New York ouvre au public, sous forme de fichiers téléchargeables et réutilisables par tous, plus de 375 000 documents. Parmi ces documents, se trouve le fichier des anarchistes.
Partir de ces femmes, de ces photographies nouvellement « libérées » par l’initiative du MET, peut amener le cheminement dans plusieurs directions...
Du côté du photographe, Alphonse Bertillon
Issu d’une famille de scientifique, Alphonse Bertillon est considéré comme un des pères de la police scientifique et du « bertillonage », qui a jeté les bases en France, mais aussi dans le monde, d’un fichage systématisé. Parmi les méthodes qu’il met en place, l’utilisation de la photographie, photos face et profil, têtes nues sur fond neutre, même pause, même distance, même lumière pour tous. Ne pas sourire. Fermer la bouche. Se tenir droit, le visage dégagé. Comme sur nos photographies d’identité.
Du côté des hommes et des femmes, de l’anarchie et des lois scélérates
Ces photos ont été prises en 1893-1894, sous l’impulsion des lois scélérates. Une page d’histoire peu connue qui mérite d’être revisitée.
A la fin du XIXe siècle, l’anarchie a une place très importante dans les différents pays d’Europe. Les tendances sont variées, riches, le débat fourmille. Les actes « terroristes » aussi, avec une multiplication, par certaines tendances, d’actions violentes revendiquées. Les têtes des états elles-mêmes sont visées, comme le Tsar Alexandre II en Russie, l’empereur Guillaume 1er en Allemagne, ou en France le président Sadi-Carnot.
Les années 1892-1894 en France sont l’occasion de nombreux attentats, mais aussi de procès, d’arrestations, et de la promulgation des fameuses lois scélérates, en 1893. Très critiquées car elles restreignaient fortement les libertés, elles visaient à affaiblir le mouvement anarchiste. Elles n’ont pourtant été abolies qu’en 1992...
C’est également la période du Procès des trente, qui se tient à Paris en août 1894. Si la plupart des inculpés seront libérés, le mouvement anarchiste français accusera largement le coup, sans pour autant disparaître.
pour suivre la piste :
Un pamphlet de 1899 d’Emile Pouget sur Les lois scélérates
Du côté de l’art et de la littérature
Parmi les figures des anarchistes présents dans les fichiers de Bertillon, on retrouve toutes sortes de gens, dont quelques personnalités, plus ou moins connues, des arts et des lettres.
Parmi les femmes, on peut ainsi découvrir Mina Schrader, sculptrice, esthète et anarchiste.
On trouve également Felix Fénéon journaliste et critique d’art, défenseur des impressionnistes et des poètes, auteur des Nouvelles en trois lignes, qui avait notamment comparu au Procès des trente, ainsi qu’Adolphe Retté, homme de lettres, arrêté pour cause de cris séditieux.
pour suivre la piste...
Felix Fénéon, dandy et terroriste
L’arrestation de Felix Fénéon vue par Octave Mirbeau
Quelques textes dans Wikisource
Du côté de l’image, du partage et de l’appropriation
Il y a une certaine ironie à voir ces images nous « revenir », par l’initiative d’un autre pays, et plus particulièrement les Etats-Unis. Alors qu’en France, la tendance actuelle est à une appropriation forcenée des images, comme l’illustre par exemple le récent Décret Chambord ou les mésaventures autour de l’exposition Vermeer au Louvre, il faut garder les yeux ouverts sur le mouvement inexorable d’ouverture des droits et le besoin de repenser en profondeur le droit d’auteur.
Pour voir le fichier complet des anarchistes
une recherche sur Creative Commons Search, le moteur de recherche de Creative commons pour des images libres de droit
ou sur le site du Metropolitan Museum of Art