je pense que la poésie est une action passagère ou solennelle dans laquelle entrent ensemble la solitude et la solidarité, le sentiment et l’action, l’intimité de soi, l’intimité de l’homme et la révélation secrète de la nature. Et je pense avec non moins de foi que tout se tient – l’homme et son ombre, l’homme et son attitude, l’homme et sa poésie – dans une communauté toujours plus large, dans un exercice qui intégrera à jamais en nous la réalité et le rêve, parce qu’ainsi il les unit et les confond. Et je dis de même que je ne sais pas, après tant d’années, si ces leçons que j’ai reçues en traversant une rivière vertigineuse, en dansant autour du crâne d’une vache, en baignant ma peau dans l’eau purificatrice des plus hautes régions, je dis que je ne sais pas si cela venait de moi-même pour le communiquer ensuite avec beaucoup d’autres êtres, ou si c’était le message que d’autres hommes m’envoyaient comme une demande ou une convocation.
De tout cela, mes amis, il ressort une leçon que le poète doit apprendre des autres hommes. Il n’y a pas de solitude inexpugnable. Tous les chemins mènent au même point : à la compréhension de ce que nous sommes. Et il faut traverser la solitude et la dureté, l’isolement et le silence pour atteindre l’enceinte magique où l’on peut danser maladroitement ou chanter mélancoliquement ; mais dans cette danse ou dans ce chant se consument les plus anciens rites de conscience : la conscience d’être des hommes et de croire en notre destin commun.
Pablo Neruda Discours de Stockholm