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URANUS, URANIUM

dimanche 20 février 2022

Uranus.

Uranium.

L’uranium n’est connu que depuis 1789. C’est un chimiste prussien qui le découvre, alors que brûle la Bastille et que Lavoisier révolutionne la chimie. Il nomme ce nouvel élément urane, d’une planète elle-même découverte depuis peu. Nouvelle planète, nouvel élément, viennent tous deux se poser sous le manteau du dieu du ciel, Uranus, divinité primordiale de l’Antiquité romaine.

Malgré cette entrée en matière révolutionnaire, l’urane traverse le XIXe siècle sans se faire trop remarquer, tout juste isolé en 1841 et renommé uranium. Ce n’est qu’à la toute fin du siècle qu’il concentre sur lui tous les regards scientifiques, quand on découvre que dans le noir, il émet, tel un soleil, de la lumière. Grâce à lui, Henri Becquerel découvre la radioactivité, à sa suite Pierre et Marie Curie le radium et Rutherford la désintégration atomique. L’uranium ouvre le siècle de l’atome et de la physique nucléaire.

L’uranium est dense, dense, dense. Dans chacun de ses minuscules atomes, quatre-vingt douze protons, quatre-vingt douze électrons et plus ou moins de neutrons. C’est le plus lourd de tous les éléments de la terre, et de ce fait le dernier du système périodique. Du moins le dernier des éléments connus présents dans la nature.

L’uranium est dense, quatre-vingt douze protons, quatre-vingt douze électrons, et plus ou moins de neutrons. En comparaison, les atomes de l’oxygène sont de joyeux ballons. Tout juste huit protons, huit électrons et plus ou moins de neutrons. L’hydrogène, le plus léger des éléments, le premier du système périodique, une plume, n’a qu’un proton, qu’un électron, et plus ou moins de neutrons. Le carbone, élément de la vie ? Six protons, six électrons, et plus ou moins de neutrons. L’or, le plus précieux de tous, compte soixante-dix neuf protons, soixante-dix neuf électrons, et plus ou moins de neutrons. Et le plomb, longtemps considéré comme le plus lourd des métaux, compte quatre-vingt deux protons soit dix de moins que l’uranium.

L’uranium est dense et cette densité rend l’uranium lourd, très lourd. Si on en remplissait une bouteille d’un litre elle pèserait autant que vingt bouteilles pleines d’eau.

Depuis des siècles, séparer, diviser, casser, briser, font partie des pratiques fondamentales de la chimie. La fission de l’atome d’uranium est une étape toute nouvelle. L’homme ne sépare plus seulement les éléments les uns des autres, il est désormais capable de briser l’atome d’uranium lui- même, et il regarde déjà comment il pourrait réaliser l’étape inverse, la fusion artificielle.
Fissionner, fusionner, deviennent ainsi les nouvelles directions de la matière, à l’échelle du choc des planètes et de la création de l’univers. De ce que les scientifiques appelleront, plus tard, le big bang.

Dans la pile, et plus tard dans les réacteurs nucléaires, il s’agit de réunir de l’uranium en grande quantité et de l’entourer d’une matière destinée à ralentir le mouvement des neutrons. Un bain d’eau lourde, un nuage de graphite, peuvent tous deux convenir. Une fois ces conditions réunies, on bombarde les noyaux avec quelques neutrons.

Sous les coups de ces minuscules neutrons lancés comme des boules de billard, les noyaux d’uranium se brisent. Chaque noyau d’uranium brisé dégage une grande quantité d’énergie et libère quelques neutrons qui vont, à leur tour, percuter d’autres noyaux, qui, sous le choc, se brisent, dégagent de l’énergie et libèrent, eux aussi, quelques neutrons, qui vont, toujours plus nombreux percuter d’autres noyaux, dégager toujours plus d’énergie et ainsi de suite.

Il arrive un moment où la main de l’homme n’est plus nécessaire. La réaction, suffisamment engagée, n’a plus besoin du bombardement artificiel de neutrons. Le phénomène s’alimente lui- même et devient autonome. Ce moment précis, c’est la divergence. A ce stade, il ne reste plus qu’à aller jusqu’à l’épuisement de la matière fissile, phénomène ralenti dans une pile atomique et presque immédiat dans le cas d’une bombe.

Ce phénomène,
c’est la réaction en chaîne,
c’est l’énergie nucléaire,
c’est le feu atomique.

Infiniment puissant.
Infiniment dangereux.

Anis Meilhan, Entrée en matière, Récit d’un voyage au pays de l’atome, 2021

Quelques extraits
Uranus, Uranium
Trois neutrons
Désintégration
Plutonium
Réaction en chaîne
Uranium appauvri
Entrée en matière